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Race d’Abel, dors, bois et mange ;
Dieu te sourit complaisamment.
Race de Caïn, dans la fange
Rampe et meurs misérablement.
Race d’Abel, ton sacrifice
Flatte le nez du Séraphin !
Race de Caïn, ton supplice
Aura-t-il jamais une fin ?
Race d’Abel, vois tes semailles
Et ton bétail venir à bien ;
Race de Caïn, tes entrailles
Hurlent la faim comme un vieux chien.
Race d’Abel, chauffe ton ventre
A ton foyer patriarcal ;
Race de Caïn, dans ton antre
Tremble de froid, pauvre chacal !
Race d’Abel, aime et pullule !
Ton or fait aussi des petits.
Race de Caïn, coeur qui brûle,
Prends garde à ces grands appétits.
Race d’Abel, tu crîs et broutes
Comme les punaises des bois !
Race de Caïn, sur les routes
Traîne ta famille aux abois.
…/…
Baudelaire
(Les fleurs du mal)
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